8/16/2015

Yours to discover



Les grands changements

En février dernier, après plus de 15 ans chez le même employeur, je quittai pour de nouveaux défis en acceptant un boulot auprès d'une grosse corporation.  Quoique la culture d'entreprise soit fort différente de celle de la PME où je bossais précédemment, je me retrouvai au sein d'un département comptant peu d'employés et une agréable collégialité avec mes collègues s'installa rapidement.  Daniel, l'Ontarien de naissance, toujours domicilié dans la province voisine, fait partie de ceux-ci.  C'est pendant l'une de nos nombreuses discussions gourmandes que j'appris l'existence du fameux perch roll de Lancaster.  Sans mauvais jeu de mot aquatique, m'en fallait pas plus pour que l'envie de m'y mouiller me prenne...



Euh... Un quoi?


Je présume que vous devez présentement vous poser la même question que moi lors de mon premier entretien concernant ce curieux sandwich.  Un quoi?.  La réponse est simple : c'est le pendant d'eau douce du lobster roll, quoique sa composition est moins élaborée que son cousin de la Côte Est.  Outre la perchaude servit dans un pain hot-dog grillé, c'est la fameuse sauce secrète - une autre qui s'ajoute à la longue liste rehaussant les classiques de plusieurs greasy spoon - qui donne la touche distincte au produit.  On peut y ajouter des oignons, au choix.  Pour la petite histoire, c'est à Lancaster (maintenant annexé à South Glengarry), que le perch roll a été inventé.  Tout comme Valleyfield du côté québécois, les lieux bordent le Lac St-François.  Il est donc tout à fait naturel qu'on opta pour la perchaude dans la région plutôt que le célèbre crustacé!  Selon le petit encart historique lu à côté de la caisse du restaurant visité, la création du mets daterait des années 20.  Je n'ai malheureusement pas retenu ni noté davantage, mais je croyais pouvoir me rabattre sur le web pour trouver plus d'informations.  Malheureusement, selon mes recherches, il semblerait que, mis à part quelques clips sur Youtube, la documentation sur le sujet soit déficiente.





401


Lorsque je commençai à échafauder la rédaction de ce billet, j'en discutai davantage avec Daniel, qui me conseilla d'opter pour Bourdeau Restaurant, une institution d'une vingtaine d'années sise à la sortie 814, au nord de la 401.

Première constatation : Isamie se rappelle soudainement y être déjà allée avec son frère!  Le premier coup d'oeil me plait beaucoup.  Un mélange d'entretenu et de débraillé, les lettres décollant sur la marquise du restaurant.
  Plusieurs tables à pique-nique sont éparpillées à l'extérieur, avec vue sur l'autoroute qui défile au loin.  La nôtre était collante d'un achalandage de beau dimanche d'août, un dimanche doux et léger où une des serveuses préfère jaser avec une connaissance assise à une table voisine plutôt que de s'attarder à nettoyer.  J'aurais probablement fait pareil.  Une balançoire est accrochée à un gros arbre afin de distraire les enfants trop grouillants.  En bref, une vision de l'Amérique truck stop/shack à patates un peu figée dans le temps.




Les préliminaires


Une fois installés à notre table et les menus dans nos mains, l'excitation me prit tranquillement.  J'enlignais évidemment les perch roll, mais j'avais lu sur un obscur blogue de poutine que cette dernière valait le détour.  Nous nous concertâmes sur ce que chacun allait prendre : j'optai pour deux perch rolls, Isamie se laissa tentée par le peameal bun, tandis que Julie ne désira que piquer dans une poutine que l'on allait partager à trois.  J'ai délibérément évité de parler du sandwich d'Isamie dans les paragraphes suivants, car je n'ai pas pu l'évaluer avec assez de précision.

Le service se déclina en trois temps, en trois générations de femmes, ce qui nous laissa un peu perplexe sur la façon de procéder.  La plus jeune vint prendre nos breuvages, celle du milieu revint noter notre commande et l'aînée "calla" mon prénom à l'anglaise au moment d'apporter notre lunch.  Tout le reste se déroula en français dans ce terreau franco-ontarien.  Un perch roll était d'ailleurs manquant lorsque je reçus ma commande, mais rien ne pouvait me déranger.  J'en commandai tout simplement un autre avant d'entamer le premier.

Le baptême


Fébrile, je préférai débuter par la poutine, qui débordait de beau cheese St. Albert, une fromagerie située tout près.  On ne lésine pas sur la crotte chez Bourdeau et cette dernière reste ferme malgré la surabondance de sauce.  Faut dire qu'avec le temps, j'ai développé une préférence pour les poutines moins arrosées et j'aurais apprécié un peu plus de retenu à ce niveau.  Qu'à cela ne tienne, c'en est une fort respectable qui me fut servie, le liquide n'étant pas trop salé et se mariant bien au fromage et aux frites.  Parlant de celles-ci, elle sont légèrement sucrées, grillées à point et croustillantes.  Faudrait par contre que je les teste toutes nues afin de me faire une meilleure appréciation.


Vint ensuite le moment de passer au clou.  Tel que je le mentionnais un peu plus haut, le perch roll consiste en une part de perchaude bien poêlée, nappée d'une sauce secrète et parsemé de morceaux d'oignon, servie dans un pain hot-dog toasté.  À ma première bouchée, je fus surpris par la délicatesse des saveurs, le pain était savamment grillé sans que le goût de beurre n'envahisse trop celui délicat du poisson blanc.  La deuxième bouchée révéla quant à elle la douceur sucrée de la sauce spéciale, parfaitement en équilibre avec le reste des éléments composant le plat.  La dite sauce est constituée d'ingrédients du quotidien (majoritairement du vinaigre blanc, des oeufs, de la moutarde sèche, du beurre et du lait), mais il en résulte un liquide soyeux, laiteux et savoureux.  Servie parcimonieusement avec le poisson cuit à point, elle ne détrempe pas le pain, ce que je craignais un peu au départ.  Une création intéressante et surprenante, pas nécessairement un must à tout prix, mais définitivement un arrêt qui vaut la ride d'auto d'une heure par un bel après-midi d'août.





Le détour


Si vous n'êtes pas pressés pour le retour, continuez donc votre route pendant une trentaine de minutes sur la 34, jusqu'à Vankleek Hill, et arrêtez chez Beau's, une excellente micro-brasserie locale.  Même si leurs produits sont maintenant distribués au Québec, vous pourrez peut-être tomber sur une bouteille au brassage limité, vous procurer un de leur magnifique produit dérivé ou tout simplement y boire un verre dans un cadre champêtre et stylisé.



Bourdeau Restaurant
229 S Road Military
Lancaster, ON


Beau's

10 Terry Fox Dr
Vankleek Hill, ON
beaus.ca



8/26/2014

Un trio digne de la Punch Line


Avant toute chose


Ces derniers temps, les histoires de casse-croûtes ont la cote.  Benoît Roberge a son programme télé sur le sujet, le bouquin Moutarde chou est une référence en la matière; même lapresse.ca présente des vidéos reportages sur la poutine.  Dans cette mare de topo type sauce brune, j’ai perdu un peu d’intérêt à discourir sur les patates, à disséquer sur la saucisse, me demandant si mon grain de sel avait toujours une certaine pertinence.  Sauf que j’avais sous-estimé votre impact, chers lecteurs.  Vos bons mots et votre enthousiasme, même plus de deux ans après ma dernière publication sur Huile et Vapeur, auront eu raison de mes questionnements, et surtout, de ma paresse.  Cette récidive surprise, elle est pour vous.


Ging


La première fois que j’ai entendu parler de Ma Tante, c’est par la bouche de Ging, il y a de cela au moins 5 ans, et ce, même si je côtoie ce dernier depuis au moins le double.  Nos premières rencontres furent certes cordiales, mais, honnêtement, je m’étais plus ou moins attardé à ce grand gaillard chauffeur de pépine et amateur d’engins motorisés.  Il arborait fièrement à l’époque ce fameux manteau d’hiver au col de poils de renard - dont nous parlons encore aujourd’hui - ce qui me laissait un peu pantois.  Au fil du temps, j’ai découvert un épicurien, estimant autant le simple steamé que l’os à la moelle, osant une sensibilité sincère entre deux rires tonitruants.  Sur ces derniers points, disons que nous nous ressemblons.  Il était donc primordial que ce soit lui qui m’initie à Ma Tante.



Rencontre


Nous nous étions tous donnés rendez-vous sur place à 18h00, moi, ma belle Julie, ma fidèle partner in crime Isamie, ainsi que Ging.  Moi et Julie furent les premiers rendus, ce qui nous donna le temps de prendre le pouls de l’artère (commerciale, et non celle qui bloque suite à l’abus de friture) et des lieux.  Première constatation : un stationnement plutôt grand pour un simple snack-bar.  Mon intuition, en regardant le bâtiment, me fait croire à un ancien drive-in ou à une ancienne station-service, comme le vieux Dic Ann’s.  Peut-être est-ce propre à l’Est de la ville?  Aucune idée.  Peu importe, le vague fumet de friture parvenant à mes narines à cet instant me fit tout suite perdre le fil de mes idées.  Je rêvais de ce repas depuis 11h00 le matin et je commençais à être fébrile : mon but approchait.  Quelques instants après, Isamie et Ging, à pratiquement quelques secondes d’intervalles, arrivèrent.  Après de chaleureuses salutations d’usage, nous ne fîmes ni une ni deux : nous allâmes commander.  La scène tenait du sacré; les filles nous cédant gentiment le passage, je me retrouvai devant les portes du commerce toutes grandes ouvertes, telles celles d’une église un jour de mariage. Tout au bout, le comptoir faisait office d’autel, et Ging, fier et solennel en figure paternel, marchait à mes côtés.  À chacun ses rites…





Le menu


Tel que mentionné dans le succulent billet pondu par Philippe Leclair sur son blogue  (http://philippeleclair.blogspot.ca/2009/07/vendredi-culinaire-chez-ma-tante.html),
le menu de Ma Tante est des plus sommaires.  Afin d’éviter toutes répétitions, et surtout, pour vous inviter à aller le lire, je ne m’étendrai pas sur le sujet.  


Ceci dit, j’avais déjà une bonne idée de ce que j’allais prendre, le steamé et la patate frite sans artifice étant les classiques de l’endroit.  Ajoutons une boisson gazeuse et nous avons la Sainte-Trinité, ou un premier trio, c'est selon, dépendamment que vous soyez pieux ou amateur de hockey.  Suffisait maintenant de déterminer la quantité de chiens chauds.  Puisqu’un souper de cette nature se résume pour moi habituellement à deux dogs, une poutine et une boisson gazeuse, et que, dans ce cas-ci, la sauce et le fromage ne faisait pas partie de l’équation, je me suis permis un hot-dog supplémentaire.  Mon initiateur m’avait beaucoup vanté les mérites de leur steamé, les meilleurs à Montréal selon lui : choux maison préparé chaque jour, saucisse Shopsy’s et pain ferme et moelleux, sans qu’il ne soit trop humide.  L’excitation s’élevait d’un cran pendant que l’on partageait nos goûts et nos expériences passées en matière de dégustation de frankfurter. 





Tout en discutant, nous regardions le cuistot préparer nos commandes en un ballet exécuté depuis des lustres.  « Regarde, lui, yé là depuis au moins quarante ans ».  Lui, c’est Nick.  Cheveux blancs.  Camisole.  Vétéran.  « Yay, yay, trois all dressed un patate.  Yay, yay, merci mon ami”.  La fébrilité tombe.  Je me sens bien.  Je suis ici comme chez nous.  Ma boîte en carton arrive, remplie.  «Y ont une technique triple friture pour les frites.  C’pour ça qu’elles sont bonne de même.  Ça m’a flashé quand je venu snacker un moment donné, en fin de soirée » continua de m’enseigner Ging.  Nous nous installâmes sur une table à pique-nique afin de passer à l’attaque!



Steamé


mémoire, je n’avais jamais goûté à un produit Shopsy’s.  J’étais passé proche lors d’une visite à Toronto, mais pour une raison dont je ne me souviens plus aujourd’hui, le foutu resto était fermé.  J’étais donc très curieux.  


De visu, la saucisse avait une belle teinte alléchante et semblait très ferme.  De plus, celle-ci dépassait du pain d’un centimètre à chaque extrémité, ce qui est nettement plus intéressant qu’un « jeu » de pain remplit seulement de condiments.  À la bouchée initiale, dès que mes palettes firent céder la fine membrane retenant le contenu de la charcuterie, je savais que ça y était.  L’image n’était pas qu’illusion.  La savoureuse chair se répandit, faisant crépiter mes papilles de bonheur.

Finalement, le chou, quoiqu’au-dessus de la moyenne, n’était pas si extraordinaire.  Aussi, un peu trop de relish brisait l’harmonie de l’ensemble all dressed, mais le pain, et surtout, la saucisse, élevaient assurément ce hot-dog au firmament de l’excellent steamé.




Dorées


Peut-être est-ce parce qu’elles étaient déposées dans le petit casseau de carton plutôt que dans un sac brun imbibant l’excédent d’huile, mais je fus très surpris, pour ce type d’établissement, que les frites ne soient pas plus grasses.  Est-ce dû à la fameuse « triple friture »?  Je l’ignore.  Par contre, j’eus l’impression que leurs friteuses ont un format plus petit que celles dont on a l’habitude de voir.  Aussi un inhabituel rebord semble recouvrir une partie de l’ouverture où bouillonne l’huile.  Croustillantes à souhait, fumantes et savoureuses, il ne faut pas non plus négliger le fait qu’elles mitonnent dans une huile qui leur est strictement réservée, aucun pogo, fish and chips ou croquette de poulet ne venant altérer leur saveur.  Peu importe, les cuistots de l’endroit maitrisent assurément le génie de la frite.



Bon à savoir


*L’hiver, l’endroit devient pratiquement un sauna, la grosse fournaise garochant sa chaleur directement sur les grandes fenêtres givrées.  Il faut alors s’attendre à ce que nos vêtements soient un peu imprégnés de l’odeur ambiante si on y fait le line-up pendant la saison froide.



*Suite à une discussion entre Isamie et l'un des employés sur place, nous avons appris que les dessins sur les murs représentent chaque décennie du restaurant.  On peut donc conclure que l’institution existe depuis plus de 60 ans et que le tout a débuté en patate mobile.





*Facilement accessible en automobile et en transport en commun, mais beaucoup moins en vélo pour qui part de loin et qui veut s'y rendre rapidement : le boulevard St-Michel n'est pas ce qu'on appelle le paradis du cycliste.


*Quoique l’endroit ne paie pas de mine, de superbe éléments vintage, et ayant un certain vécu, ajoutent énormément au charme de l’endroit, telle l’enseigne de la toilette extérieure et celle indiquant la marche à suivre pour commander :









En trois mots : charme, saveurs et authenticité. Un must pour tout amateur de casse-croûte.


Chez Ma Tante
3180 Fleury Est

5/02/2012

Monarque de l'Est



Préambule


Malgré mon jeune âge relatif au début des années 2000, j'en étais encore à l'heure des découvertes des grands classiques, autant en littérature québécoise, en chanson française qu'en matière de casse-croûtes montréalais.  J'évoluais en nourrissant mon esprit d'Aquin et de Gauvreau, remplissait mes oreilles des mots de Brassens et des sons de Dutronc, tout en gavant hebdomadairement mon estomac des burgers de La Paryse et du smoked meat de chez Schwartz's.  (Soyez patients chers lecteurs, je revisiterai éventuellement ces établissements incontournables).  Bref, à l'époque, je ne m'étais jamais guère aventuré aussi loin à l'Est, à Anjou, ou aussi creux sur Pie-IX, à Montréal-Nord, et il était donc normal que je n'aie aucune idée de ce qu'était Dic Ann's.  Car si la rue St-Laurent est la frontière entre l'Ouest et l'Est de la ville, le boulevard Pie-IX est celle entre l'Est pis l'Est pour vrai.


Première expérience


Ma première expérience de Dic Ann's (et la plupart des subséquentes) eut lieu pendant mon heure de lunch au travail.  Take out.  Un de mes collègues, ébahi de mon ignorance, entrepris de m'initier à ce qui est vite devenu une véritable drogue...

Au départ, je ne saisissais pas trop le concept de ce hamburger mouillé, à la mince galette de viande et au pain imbibé de sauce liquide, salaud au touché et au look bâtard.  Ce ne fut donc pas un coup de foudre.  Toutefois, petit à petit, de dîner en dîner, mon intérêt se développa pour ce sandwich hétéroclite.  Je passai du p'tit cheese, au Hi-Boy, du Hi-Boy fromage au Hi-Boy fromage double-sauce, pour finalement revenir au Hi-Boy fromage.  J'ai frôlé la dépendance, mais je me suis maintenant repris en main  En délaissant le "pour emporter" et en me limitant à des visites plus ou moins ponctuelles, pour un maximum de goût,  je n'ai plus la crainte de "brûler" mes papilles, d'atteindre un certain point de non-retour.  Qualifions ma consommation actuelle de récréative.


La commande


Lors de mes visites, je commande pratiquement toujours la même chose : deux Hi-Boy fromage all-dressed, une frite et une liqueur.  Plus souvent qu'autrement, je retourne à la caisse pour un troisième Hi-Boy après avoir terminé les deux premiers.  C'est quand même mieux comme dessert que la sempiternelle pouding aux riz servi chez le Deli moyen!  Pour les néophytes, le cheese all dressed contient relish, moutarde, oignons et sauce comme condiments.  Si l'on désire rajouter laitue et tomate, faut opter pour le Hi-Boy.  Mes racines maraîchères (et l'amour de la fraîcheur des légumes qui vient avec) font toujours pencher la balance pour cette dernière mouture du sandwich.

Cependant, pour l'occasion, et aussi parce que je me serais senti imposteur de la passer sous silence, j'ai décidé de substituer la classique frite pour une poutine.  Car la poutine du Dic Ann's n'a rien en commun avec ses cousines plus ou moins consanguines : celle-ci est servi avec du fromage râpé et la fameuse sauce de M. Potenza.  Comme je le mentionnais un peu plus haut, la sauce qui fait la renommée du restaurant est plutôt "claire". Elle se ramasse donc dans le fond du contenant, mouillant les frites davantage qu'elle ne les enrobe.  Je saupoudre toujours de sel, question de relever légèrement les saveurs, ce que je n'oserais jamais faire avec une "véritable" poutine.  Dans les burgers, la sauce rehausse le goût de viande, comme un bon bouillon, s'imbibant dans les pores du pain écrasé et de la boulette compacte.  Mais qui tripe sur les frites humides?  Deux avantages par contre pour cette version de la pout': la quantité de sauce subsistant après l'absorption des patates, où l'o
n peut dipper son burger à souhait, et les motons du mozzarella qui s'est contracté sous la chaleur des éléments.  

Retenez par contre que les frites, à leur état naturel, sont d'un charme désarmant.  Minces, toujours dorées à point, sans aucun excédant d'huile, elles sont succulentes et souvent dégustées par les habitués avec un peu de sel ou un soupçon de vinaigre.  À moins de vouloir sortir de la routine, contentez-vous donc de la patate plutôt de la poutine.






Le rituel


Le Dic Ann's est en quelque sorte un culte où chacun a son propre rituel.  La manipulation du burger de la chaîne requiert une certaine délicatesse si l'on désire éviter de se salir.  À côté de la caisse trône d'ailleurs un contenant dans lequel repose des bâtons de popsicle qui servent de levier pour décoller son sandwich.  On s'assure ainsi de ne pas plonger ses doigts directement dans la sauce, doigts qui, invariablement, finiront par être imprégnés de cette odeur pendant quelques heures. et ce, malgré un lavage de mains répété.  La beauté de la chose, c'est qu'il est possible de se remémorer ces doux moments de délectation en humant ses mains, comme sur le chemin du retour d'une torride nuit de cul après une trop longue période d'abstinence.

Pour ma part, j'aime bien l'utilisation de la fourchette.  Quoiqu'optionnelle, elle est à mon avis très utile pour écumer le reste de sauce déposée dans le fond de l'assiette à burger.  On a qu'à y piquer bout de pain, morceau de boulette et/ou quelques frites pour récupérer le dépôt, et ainsi maximiser son Dic Ann's.  Certains clients plus zélés, voir obsédés, pousseraient même l'audace jusqu'à boire leur restant de sauce, tels des prédicateurs du grill qui caleraient leur vin de messe.





Le format


Comme dans toute bonne doctrine, par souci d'efficacité, Dic Ann's ne se casse pas le bicycle avec la fantaisie.  Ce dogmatisme est très bien reflété dans la variété de formats offerts pour les différents produits disponibles : UN SEUL.  Vous avez bien lu; pas de grosse frite ni de bébé poutine.  Leur site web parle de ce concept comme d'une façon d'assurer un maximum de rapidité dans le service, mais il est facile de flairer une mesure d'acheter des contenants à gros volumes, à meilleurs prix, pour toute la chaîne.  Que le tout ne se traduise pas par une économie pour le client une fois le snack rendu au comptoir, on s'en fout un peu.  On va au Dic Ann's pour le goût, coûte que coûte.

Dic Ann's design


Malgré ses airs de casse-croûte sans prétention, l'image des franchises est étudiée.  Les teintes de beiges, jaunes, orangées et brunes rappellent tour à tour boulettes, sauce, frites ou tous ces élément dans le même cabaret.  Dic Ann's s'inscrit ici dans un design old fashionned, indémodable, qui sied extrêmement bien à ce type de commerce.  La préservation de la superbe enseigne extérieure de la première succursale sur Pie-IX* (celle visitée pour l'occasion) traduit un désir de continuité et son ancrage dans la grande tradition du snack-bar québécois.






Bon à savoir


Avant de se déplacer, sachez que la succursale de Montréal-Nord ne compte qu'une dizaine de place assises, sur des tabourets, au comptoir.  Soyez un tantinet patient; à la vitesse que les commandes sont servies, une place se libérera rapidement.  Vous pourrez toutefois devoir attendre davantage si vous désirez absolument vous asseoir à côté de la personne qui vous accompagne, le cas échéant.

Comme son passé de drive-in est encore bien vivant, la meilleure façon de s'y rendre reste en voiture.  D'ailleurs, plusieurs clients réguliers commandent "pour emporter" et mangent directement dans leur véhicule.  Il semblerait que l'expérience serait décuplée par un beau dimanche après-midi d'été, debout, 
plombant sous le soleil à l'extérieur de l'automobile, le repas reposant sur le capot, chauffé par le moteur éteint encore brûlant...





Pour plus d'informations : http://www.dicanns.ca.

*Tel que mentionné sur le site web de la chaîne, la première franchise était située au coin des rues Papineau et Crémazie.  Deux ans plus tard, elle déménagea sur le boulevard Pie-IX.  Merci à Patrick Robitaille, l'initiateur du 2e paragraphe, d'avoir rectifié le tir.

4/29/2012

Aparté

Question de vous faire patienter avant la publication de mon prochain texte, vous pouvez aller faire une visite sur le blogue MOUTARDE CHOU.  Comme un excellent casse-croûte, ça vaut le détour!

http://moutardechou.tumblr.com/

4/03/2012

L'attrait de la nouveauté


Préambule



Ayant une furieuse rage de smoked meat depuis plusieurs semaines, je décidai le 19 mars dernier de prendre le taureau par les cornes et planifiai une visite au Brisket, sur Beaver Hall.  C'est mon pote Dji, amateur de p'tits cheese et de viande fumée devant l'Éternel, qui m'aiguilla sur cette intrigante adresse.  Car aussi férus de casse-croûtes que nous sommes, moi et mes amis, personne d'entre nous n'est jamais allé snacker là.  Une visite sur leur site web s'imposait donc avant de me déplacer. "Damn; 1901, c'est 27 ans avant le Schwartz's" m'exclamais-je en arrivant sur la page d'accueil, croyant avoir découvert un trésor caché de la charcuterie épicée.  Cependant, en naviguant davantage sur le site, un doute s'installa : pourquoi l'image du singe avec un chapeau?  Un cochon qui boit de la bière?  UN BURGER DE KANGOUROU?  CALVAIRE, ON NE SERVAIT SÛREMENT PAS DE BURGER DE KANGOUROU EN 1901!!!  Je débarqua de mes grands chevaux pour aller zieuter la section "photos" et me rassurer avec des images de smoked meat...





L'ambiance



J'avais donné rendez-vous à Isamie à 18h00 devant la porte.  Elle s'est gentiment proposée de venir prendre des photos lors de mes virées, mais je la soupçonne d'avoir eu envie de me voir aller en pleine action, car il semblerait que je donne un pas pire show quand je mange, m'exclame et disserte à la fois.  Pour ma part, j'ai accepté parce que manipuler un appareil-photo les doigts plein de moutarde, c'est pas évident, mais aussi parce qu'Isamie, elle est ben fine pis que ça serait plus l'fun accompagné par elle que d'être seul..


Nous n'avions pas encore mis les pieds à l'intérieur qu'un autre détail n'ayant aucunement rapport à la bouffe servie nous tiqua un peu : une immense bannière du Guide des Routards sur la façade.  Nous en fîmes abstraction, car une trappe à touristes n'est pas nécessairement synonyme de trou à rat.  Nous gravîmes donc les quelques marches pour tomber nez à nez avec une immense salle à manger vide.  Pendant que je cherchais un peu mes repères, Isamie me lâcha : "Regarde Demers ce qui est écrit." 






 Bordel, de quoi me donner la foi!  Mais une autre question surgit alors à mon esprit: de 1901 à 2012, ça fait pas 5 ans ça.  Je me dirigea vers une table à notre gauche, côté bar, en revirant le calcul dans tous les sens, et m'assied.  Devant moi, y avait le menu oversize, avec des burgers aux saveurs de tout le règne animal et d'innombrables déclinaisons de poutine (1901?  Non, c'est plus tard la poutine), et j'en revenais toujours pas de manger all you can eat de smoked meat pour 5 piasses.  Ma réflexion s'arrêta quand un jeune frisé avec une couette vint se présenter.  Courtois, souriant et le teint basané - donc aux antipodes des serveurs habituels de ce type d'établissements - il nous expliqua que si on prenait une bière, sauf une Labatt, il tournerait la roue fixée au mur et on courrait alors la chance de gagner un T-shirt, un buck, une grosse, etc.


- C'est quoi tes formats?  As-tu des spéciaux?


- J'ai des verres, des pintes, des demis pichets, des pichets, des mégas pichets, ...


Nous prîmes une pinte chaque et le serveur se dirigea vers la roue et la fit spinner sur son axe d'un enthousiaste coup de poignet.   Quand celle-ci s'immobilisa, il cria "deux pour un" avant de servir d'autres clients. Je me croyais dans une fête foraine.


Un peu d'histoire et de mathématique



Isamie, devant mon entêtement à tenter de comprendre les crisses de dates, s'essaya et demanda des explications par rapport à l'équation 2012 - 1901 = 5.  Semblerait que la place fut rachetée par Brisket en 2007.  Ils ont alors décidé de "d'innover" en apportant certaines modifications au menu et à la personnalité de l'endroit.  Mais pas moyen d'avoir plus d'infos sur ce qu'était le Salon Krausmann, autant auprès du jeune frisé que d'Internet, outre le fait que Brisket a gardé la recette de smoked meat et de pied de porc mariné.


La raison de notre visite



Nous finîmes par nous décider à commander après qu'Isamie eut rejoint son Pat qui s'en venait nous retrouver.  Premier accroc : notre serveur ne nous demanda pas la coupe désirée (maigre, medium ou gras) en prenant notre commande.  Même si le mangeur de smoked meat classique le prendra ''medium'', il est primordial de poser la question, surtout en présence d'une dame, qui aura tendance à opter pour du ''maigre''.  Qu'à cela ne tienne, je reçus mon sandwich d'entrée et l'enfilai sans broncher.  Deuxième constatation : difficile de juger de la grosseur habituelle des portions dans le contexte d'un all you can eat de sandwich, car le cuisinier aura tendance à en mettre moins, question de bourrer le client de pain, et de minimiser les pertes de viande.  Mon petit doigt me dit que les prix affichés sur le menu et la pub du Guide des Routards laissent présager de chiches portions pour plus de dollars touristiques dans les poches.  Brisket a quand même la décence d'offrir du vrai smoked meat à sa clientèle, pas un vulgaire rubber rosé de deli bas de gamme.  Bien texturé, bonne dose de gras dans le medium, son mélange d'épices manque toutefois de subtilité et est plutôt poivré.  Les frites laissent indifférents, mais soulignons que, malgré leur prix (3.51$ + taxes), elle ont au moins le mérite de ne pas être de gamme congelée.  Vous conviendrez qu'avec de la viande à volonté, je ne me suis pas concentré sur les marinades.








Finalement...



Un seul mot vient en tête pour décrire ce que j'ai mangé : honnêteté.  Côté goût, on s'entend; pas pour les dollars à débourser en temps normal.  Donc, c'est correct, voir même ben correct.  La preuve, c'est que je me suis tapé  trois sandwichs.  Cependant, l'expérience serait davantage optimisée si on ramenait un peu d'authenticité au niveau du décor et de l'ambiance.  Dehors les machines à sous.  Exit la roue de fortune de bières.  Ainsi, sans nécessairement flirter avec les grandes institutions du smoked meat, ça rappellerait peut-être davantage le Dunn's que le Peel Pub.... 





3/17/2012

Premier essai




Préambule



« Je te donne un mois.  Pas de jokes ».  Telles furent les paroles de Gasse le 18 février dernier.  Poète, blogueur, bref, auteur de tout acabit avec qui ça connecte sur les mots pas pire pantoute, le Petit Luncheur a pesé sur le bon piton pour que je me lance dans le papotage sur les patates, le smoked meat et autres casse-croûtes de coins de rue.  M’y voici.


La Québécoise


La Québécoise a pignon sur rue au coin Ontario et Aylwin, downtown Hochelaga.  Vous avez sûrement déjà vu la façade orangée sur la pochette du single « Rue Ontario » de Bernard Adamus, dans une récente annonce de Pepsi, ou, tout bonnement, en passant devant.  À l’intérieur, c’est nos narines qui sont sollicitées en premier, frappées par l’odeur de friture étouffée par la vapeur propre à ce type de restaurant.  On prend place, on zieute le menu et on finit par choisir.  Avant que la waitress n’arrive, l’hétéroclite mélange de couleurs nous happe; le bleu de la Méditerranée des posters couchés sur les murs aussi criards d’orange qu’à l’extérieur, avec à l’horizon des banquettes vert forêt.  Seul le call d’une commande par une serveuse, sur fond de tintements d’ustensiles et de télé en sourdine, finit par nous sortir de notre hypnotisme.

 





Le steamé


Le steamé de la Québécoise en est un dans la plus pure tradition des casse-croûtes de la province, tous codes régionaux confondus.  Il n’a rien à envier à personne, ni même au Montreal Pool Room.  Même si ce dernier est une institution au même titre que Schwartz’s ou la Binerie Mont-Royal, beaucoup de fourchettes, même férues de greasy spoon, dédaignent le hot-dog vapeur, trop bas de gamme et simpliste pour leurs papilles.  Pourtant, je le clame ici haut et fort, cuire un steamé à point est un art, un art mineur soit, mais un art quand même.  Combien de chiens chauds au pain trempe ou à la saucisse jutant de façon injustifiée ais-je mangé dans ma vie?  Trop.  Il n’y a pas de ça à la Québécoise; le pain est juste assez humide, tout en se tenant droit, sans aucune mollesse, et la saucisse est ferme, voir croquante pour un frankfurter.  Évidemment, le roulement du produit y est probablement pour quelque chose.  Difficile de laisser les ingrédients à la vapeur trop longtemps quand, naturellement, la demande du client régule le temps de cuisson  Seul léger bémol au tableau : les condiments.  Jimmy, Jimmy ou Jimmy (ils semblent tous se prénommés Jimmy derrière le comptoir)  y va fort sur les oignons, dont le goût traîne longtemps en bouche après le repas.  J’épargne parfois mon entourage en omettant d’inclure cette garniture, même si, de nature, je suis davantage un all dressed.  Il est toutefois facile de régler la situation en enlevant à sa guise le superflu avec les ustensiles de service ou en spécifiant de ne pas en mettre trop lorsque l’on place sa commande. 

De plus, un problème propre à ce genre de restaurant est le chou utilisé; il est souvent trop vinaigré, surtout rendu dans le fond de la chaudière.  On aurait avantage à opter pour un genre de mélange à la « traditionnelle » de St-Hubert ou, carrément, du chou râpé, sans aucun autre artifice.  Je vous garantis que le restaurant qui osera faire ce move fera un tabac! 

 


La poutine


Même si les hot-dog sont succulents, la poutine reste le joyau de La Québécoise, et ce, malgré son succès mitigé auprès des différentes personnes sondées de façon non-scientifique.  À mon avis, la raison de cette divergence réside surtout dans un ingrédient : la sauce.  Car la sauce brune à La Québécoise, elle est, pardonnez-moi l’expression, quelque chose.  Extrêmement riche, voir quasi mortelle, grumeleuse, un peu figée, elle peut faire frémir les non-initiés et les pseudos fourchettes populaires à l’esprit un peu trop santé.  Elle est tout le contraire du liquide claire et brun-orangé, quasi en fusion, servi dans les Belles Pro de la dite province, tellement chaud que, lorsqu’on en nappe les frites et le fromage, il fait pratiquement fondre le contenant.  La sauce brune de la Québécoise est plutôt comme une douillette confortable, qui, plutôt que de transformer la poutine en une énorme motte, enrobe les frites et le fromage, préservant ainsi tout leur croquant et leur couic-couic.  Des patates et des grains sont laissés à découvert, au hasard, nous permettant parfois de nous concentrer sur les saveurs une à une, et ainsi s’éviter de prendre la même bouchée à chaque fois que l’on porte sa fourchette à ses lèvres.  Légèrement sucrée, plus beige que brune, elle surprend par son goût unique, subtil, à des miles de l’agressivité salée de celle de la plupart de ses concurrents.  Le petit format de poutine est toutefois conseillé pour une première expérience.



Puisque le fromage en grains est pratiquement uniforme et de qualité dans chaque établissement servant une bonne pout’, concentrons-nous sur la base, je dirais même le cœur du mets : les frites.  Immenses et savoureuses comme pas une, splendides d’huile et d’opulence, la frite est Reine, à La Québécoise comme partout sur la Promenade.  Elle est dorée, craquante et graisseuse, comme une p’tite grosse dont l’excès de poids n’empêche pas d’être coquette, dont le parfum et l’aura nous oblige à nous retourner sur son passage, humant son odeur qui chatouille nos narines et succombant instantanément à son charme.  En plus de 10 ans de fréquentation, jamais un goût de vieille huile n’est venu gâcher mon plaisir.  Appelons ça avoir une bonne hygiène de la pan.  



Que ce soit une familiale take-out dans un gros sac brun taché de gras, en accompagnement dans le menu du jour, en poutine, trempée dans le ketchup, baignant dans le vinaigre, la frite est là.  Passe-partout.  Réconfortante.





Bon à savoir

Pour deux steamés-poutine-liqueur en fontaine (en fait, le trio #1 et un hot-dog d’extra), comptez 10.00$ taxes et tips inclus.  Service rapide.  Plusieurs copies du Journal de Montréal à la disposition des clients.  Déjeuners peu mémorables, mais très abordables.  Ambiance assurée si vous aimez observer la vie de quartier, surtout lors des déjeuners du week-end ou au début du mois.  Si vous êtes chanceux, vous aurez droit au fameux « bien mangé mon ami » du caissier (et maître ès friteuses) d’office.  Si vous vous sentez wild, demandez de jeter un coup d’œil dans la boîte d’objets perdus qui trône au-dessus du support à manteaux depuis des lustres.  Même moi, je n’ai jamais osé.  Princesses s’abstenir.