3/17/2012

Premier essai




Préambule



« Je te donne un mois.  Pas de jokes ».  Telles furent les paroles de Gasse le 18 février dernier.  Poète, blogueur, bref, auteur de tout acabit avec qui ça connecte sur les mots pas pire pantoute, le Petit Luncheur a pesé sur le bon piton pour que je me lance dans le papotage sur les patates, le smoked meat et autres casse-croûtes de coins de rue.  M’y voici.


La Québécoise


La Québécoise a pignon sur rue au coin Ontario et Aylwin, downtown Hochelaga.  Vous avez sûrement déjà vu la façade orangée sur la pochette du single « Rue Ontario » de Bernard Adamus, dans une récente annonce de Pepsi, ou, tout bonnement, en passant devant.  À l’intérieur, c’est nos narines qui sont sollicitées en premier, frappées par l’odeur de friture étouffée par la vapeur propre à ce type de restaurant.  On prend place, on zieute le menu et on finit par choisir.  Avant que la waitress n’arrive, l’hétéroclite mélange de couleurs nous happe; le bleu de la Méditerranée des posters couchés sur les murs aussi criards d’orange qu’à l’extérieur, avec à l’horizon des banquettes vert forêt.  Seul le call d’une commande par une serveuse, sur fond de tintements d’ustensiles et de télé en sourdine, finit par nous sortir de notre hypnotisme.

 





Le steamé


Le steamé de la Québécoise en est un dans la plus pure tradition des casse-croûtes de la province, tous codes régionaux confondus.  Il n’a rien à envier à personne, ni même au Montreal Pool Room.  Même si ce dernier est une institution au même titre que Schwartz’s ou la Binerie Mont-Royal, beaucoup de fourchettes, même férues de greasy spoon, dédaignent le hot-dog vapeur, trop bas de gamme et simpliste pour leurs papilles.  Pourtant, je le clame ici haut et fort, cuire un steamé à point est un art, un art mineur soit, mais un art quand même.  Combien de chiens chauds au pain trempe ou à la saucisse jutant de façon injustifiée ais-je mangé dans ma vie?  Trop.  Il n’y a pas de ça à la Québécoise; le pain est juste assez humide, tout en se tenant droit, sans aucune mollesse, et la saucisse est ferme, voir croquante pour un frankfurter.  Évidemment, le roulement du produit y est probablement pour quelque chose.  Difficile de laisser les ingrédients à la vapeur trop longtemps quand, naturellement, la demande du client régule le temps de cuisson  Seul léger bémol au tableau : les condiments.  Jimmy, Jimmy ou Jimmy (ils semblent tous se prénommés Jimmy derrière le comptoir)  y va fort sur les oignons, dont le goût traîne longtemps en bouche après le repas.  J’épargne parfois mon entourage en omettant d’inclure cette garniture, même si, de nature, je suis davantage un all dressed.  Il est toutefois facile de régler la situation en enlevant à sa guise le superflu avec les ustensiles de service ou en spécifiant de ne pas en mettre trop lorsque l’on place sa commande. 

De plus, un problème propre à ce genre de restaurant est le chou utilisé; il est souvent trop vinaigré, surtout rendu dans le fond de la chaudière.  On aurait avantage à opter pour un genre de mélange à la « traditionnelle » de St-Hubert ou, carrément, du chou râpé, sans aucun autre artifice.  Je vous garantis que le restaurant qui osera faire ce move fera un tabac! 

 


La poutine


Même si les hot-dog sont succulents, la poutine reste le joyau de La Québécoise, et ce, malgré son succès mitigé auprès des différentes personnes sondées de façon non-scientifique.  À mon avis, la raison de cette divergence réside surtout dans un ingrédient : la sauce.  Car la sauce brune à La Québécoise, elle est, pardonnez-moi l’expression, quelque chose.  Extrêmement riche, voir quasi mortelle, grumeleuse, un peu figée, elle peut faire frémir les non-initiés et les pseudos fourchettes populaires à l’esprit un peu trop santé.  Elle est tout le contraire du liquide claire et brun-orangé, quasi en fusion, servi dans les Belles Pro de la dite province, tellement chaud que, lorsqu’on en nappe les frites et le fromage, il fait pratiquement fondre le contenant.  La sauce brune de la Québécoise est plutôt comme une douillette confortable, qui, plutôt que de transformer la poutine en une énorme motte, enrobe les frites et le fromage, préservant ainsi tout leur croquant et leur couic-couic.  Des patates et des grains sont laissés à découvert, au hasard, nous permettant parfois de nous concentrer sur les saveurs une à une, et ainsi s’éviter de prendre la même bouchée à chaque fois que l’on porte sa fourchette à ses lèvres.  Légèrement sucrée, plus beige que brune, elle surprend par son goût unique, subtil, à des miles de l’agressivité salée de celle de la plupart de ses concurrents.  Le petit format de poutine est toutefois conseillé pour une première expérience.



Puisque le fromage en grains est pratiquement uniforme et de qualité dans chaque établissement servant une bonne pout’, concentrons-nous sur la base, je dirais même le cœur du mets : les frites.  Immenses et savoureuses comme pas une, splendides d’huile et d’opulence, la frite est Reine, à La Québécoise comme partout sur la Promenade.  Elle est dorée, craquante et graisseuse, comme une p’tite grosse dont l’excès de poids n’empêche pas d’être coquette, dont le parfum et l’aura nous oblige à nous retourner sur son passage, humant son odeur qui chatouille nos narines et succombant instantanément à son charme.  En plus de 10 ans de fréquentation, jamais un goût de vieille huile n’est venu gâcher mon plaisir.  Appelons ça avoir une bonne hygiène de la pan.  



Que ce soit une familiale take-out dans un gros sac brun taché de gras, en accompagnement dans le menu du jour, en poutine, trempée dans le ketchup, baignant dans le vinaigre, la frite est là.  Passe-partout.  Réconfortante.





Bon à savoir

Pour deux steamés-poutine-liqueur en fontaine (en fait, le trio #1 et un hot-dog d’extra), comptez 10.00$ taxes et tips inclus.  Service rapide.  Plusieurs copies du Journal de Montréal à la disposition des clients.  Déjeuners peu mémorables, mais très abordables.  Ambiance assurée si vous aimez observer la vie de quartier, surtout lors des déjeuners du week-end ou au début du mois.  Si vous êtes chanceux, vous aurez droit au fameux « bien mangé mon ami » du caissier (et maître ès friteuses) d’office.  Si vous vous sentez wild, demandez de jeter un coup d’œil dans la boîte d’objets perdus qui trône au-dessus du support à manteaux depuis des lustres.  Même moi, je n’ai jamais osé.  Princesses s’abstenir.