8/26/2014

Un trio digne de la Punch Line


Avant toute chose


Ces derniers temps, les histoires de casse-croûtes ont la cote.  Benoît Roberge a son programme télé sur le sujet, le bouquin Moutarde chou est une référence en la matière; même lapresse.ca présente des vidéos reportages sur la poutine.  Dans cette mare de topo type sauce brune, j’ai perdu un peu d’intérêt à discourir sur les patates, à disséquer sur la saucisse, me demandant si mon grain de sel avait toujours une certaine pertinence.  Sauf que j’avais sous-estimé votre impact, chers lecteurs.  Vos bons mots et votre enthousiasme, même plus de deux ans après ma dernière publication sur Huile et Vapeur, auront eu raison de mes questionnements, et surtout, de ma paresse.  Cette récidive surprise, elle est pour vous.


Ging


La première fois que j’ai entendu parler de Ma Tante, c’est par la bouche de Ging, il y a de cela au moins 5 ans, et ce, même si je côtoie ce dernier depuis au moins le double.  Nos premières rencontres furent certes cordiales, mais, honnêtement, je m’étais plus ou moins attardé à ce grand gaillard chauffeur de pépine et amateur d’engins motorisés.  Il arborait fièrement à l’époque ce fameux manteau d’hiver au col de poils de renard - dont nous parlons encore aujourd’hui - ce qui me laissait un peu pantois.  Au fil du temps, j’ai découvert un épicurien, estimant autant le simple steamé que l’os à la moelle, osant une sensibilité sincère entre deux rires tonitruants.  Sur ces derniers points, disons que nous nous ressemblons.  Il était donc primordial que ce soit lui qui m’initie à Ma Tante.



Rencontre


Nous nous étions tous donnés rendez-vous sur place à 18h00, moi, ma belle Julie, ma fidèle partner in crime Isamie, ainsi que Ging.  Moi et Julie furent les premiers rendus, ce qui nous donna le temps de prendre le pouls de l’artère (commerciale, et non celle qui bloque suite à l’abus de friture) et des lieux.  Première constatation : un stationnement plutôt grand pour un simple snack-bar.  Mon intuition, en regardant le bâtiment, me fait croire à un ancien drive-in ou à une ancienne station-service, comme le vieux Dic Ann’s.  Peut-être est-ce propre à l’Est de la ville?  Aucune idée.  Peu importe, le vague fumet de friture parvenant à mes narines à cet instant me fit tout suite perdre le fil de mes idées.  Je rêvais de ce repas depuis 11h00 le matin et je commençais à être fébrile : mon but approchait.  Quelques instants après, Isamie et Ging, à pratiquement quelques secondes d’intervalles, arrivèrent.  Après de chaleureuses salutations d’usage, nous ne fîmes ni une ni deux : nous allâmes commander.  La scène tenait du sacré; les filles nous cédant gentiment le passage, je me retrouvai devant les portes du commerce toutes grandes ouvertes, telles celles d’une église un jour de mariage. Tout au bout, le comptoir faisait office d’autel, et Ging, fier et solennel en figure paternel, marchait à mes côtés.  À chacun ses rites…





Le menu


Tel que mentionné dans le succulent billet pondu par Philippe Leclair sur son blogue  (http://philippeleclair.blogspot.ca/2009/07/vendredi-culinaire-chez-ma-tante.html),
le menu de Ma Tante est des plus sommaires.  Afin d’éviter toutes répétitions, et surtout, pour vous inviter à aller le lire, je ne m’étendrai pas sur le sujet.  


Ceci dit, j’avais déjà une bonne idée de ce que j’allais prendre, le steamé et la patate frite sans artifice étant les classiques de l’endroit.  Ajoutons une boisson gazeuse et nous avons la Sainte-Trinité, ou un premier trio, c'est selon, dépendamment que vous soyez pieux ou amateur de hockey.  Suffisait maintenant de déterminer la quantité de chiens chauds.  Puisqu’un souper de cette nature se résume pour moi habituellement à deux dogs, une poutine et une boisson gazeuse, et que, dans ce cas-ci, la sauce et le fromage ne faisait pas partie de l’équation, je me suis permis un hot-dog supplémentaire.  Mon initiateur m’avait beaucoup vanté les mérites de leur steamé, les meilleurs à Montréal selon lui : choux maison préparé chaque jour, saucisse Shopsy’s et pain ferme et moelleux, sans qu’il ne soit trop humide.  L’excitation s’élevait d’un cran pendant que l’on partageait nos goûts et nos expériences passées en matière de dégustation de frankfurter. 





Tout en discutant, nous regardions le cuistot préparer nos commandes en un ballet exécuté depuis des lustres.  « Regarde, lui, yé là depuis au moins quarante ans ».  Lui, c’est Nick.  Cheveux blancs.  Camisole.  Vétéran.  « Yay, yay, trois all dressed un patate.  Yay, yay, merci mon ami”.  La fébrilité tombe.  Je me sens bien.  Je suis ici comme chez nous.  Ma boîte en carton arrive, remplie.  «Y ont une technique triple friture pour les frites.  C’pour ça qu’elles sont bonne de même.  Ça m’a flashé quand je venu snacker un moment donné, en fin de soirée » continua de m’enseigner Ging.  Nous nous installâmes sur une table à pique-nique afin de passer à l’attaque!



Steamé


mémoire, je n’avais jamais goûté à un produit Shopsy’s.  J’étais passé proche lors d’une visite à Toronto, mais pour une raison dont je ne me souviens plus aujourd’hui, le foutu resto était fermé.  J’étais donc très curieux.  


De visu, la saucisse avait une belle teinte alléchante et semblait très ferme.  De plus, celle-ci dépassait du pain d’un centimètre à chaque extrémité, ce qui est nettement plus intéressant qu’un « jeu » de pain remplit seulement de condiments.  À la bouchée initiale, dès que mes palettes firent céder la fine membrane retenant le contenu de la charcuterie, je savais que ça y était.  L’image n’était pas qu’illusion.  La savoureuse chair se répandit, faisant crépiter mes papilles de bonheur.

Finalement, le chou, quoiqu’au-dessus de la moyenne, n’était pas si extraordinaire.  Aussi, un peu trop de relish brisait l’harmonie de l’ensemble all dressed, mais le pain, et surtout, la saucisse, élevaient assurément ce hot-dog au firmament de l’excellent steamé.




Dorées


Peut-être est-ce parce qu’elles étaient déposées dans le petit casseau de carton plutôt que dans un sac brun imbibant l’excédent d’huile, mais je fus très surpris, pour ce type d’établissement, que les frites ne soient pas plus grasses.  Est-ce dû à la fameuse « triple friture »?  Je l’ignore.  Par contre, j’eus l’impression que leurs friteuses ont un format plus petit que celles dont on a l’habitude de voir.  Aussi un inhabituel rebord semble recouvrir une partie de l’ouverture où bouillonne l’huile.  Croustillantes à souhait, fumantes et savoureuses, il ne faut pas non plus négliger le fait qu’elles mitonnent dans une huile qui leur est strictement réservée, aucun pogo, fish and chips ou croquette de poulet ne venant altérer leur saveur.  Peu importe, les cuistots de l’endroit maitrisent assurément le génie de la frite.



Bon à savoir


*L’hiver, l’endroit devient pratiquement un sauna, la grosse fournaise garochant sa chaleur directement sur les grandes fenêtres givrées.  Il faut alors s’attendre à ce que nos vêtements soient un peu imprégnés de l’odeur ambiante si on y fait le line-up pendant la saison froide.



*Suite à une discussion entre Isamie et l'un des employés sur place, nous avons appris que les dessins sur les murs représentent chaque décennie du restaurant.  On peut donc conclure que l’institution existe depuis plus de 60 ans et que le tout a débuté en patate mobile.





*Facilement accessible en automobile et en transport en commun, mais beaucoup moins en vélo pour qui part de loin et qui veut s'y rendre rapidement : le boulevard St-Michel n'est pas ce qu'on appelle le paradis du cycliste.


*Quoique l’endroit ne paie pas de mine, de superbe éléments vintage, et ayant un certain vécu, ajoutent énormément au charme de l’endroit, telle l’enseigne de la toilette extérieure et celle indiquant la marche à suivre pour commander :









En trois mots : charme, saveurs et authenticité. Un must pour tout amateur de casse-croûte.


Chez Ma Tante
3180 Fleury Est