5/02/2012

Monarque de l'Est



Préambule


Malgré mon jeune âge relatif au début des années 2000, j'en étais encore à l'heure des découvertes des grands classiques, autant en littérature québécoise, en chanson française qu'en matière de casse-croûtes montréalais.  J'évoluais en nourrissant mon esprit d'Aquin et de Gauvreau, remplissait mes oreilles des mots de Brassens et des sons de Dutronc, tout en gavant hebdomadairement mon estomac des burgers de La Paryse et du smoked meat de chez Schwartz's.  (Soyez patients chers lecteurs, je revisiterai éventuellement ces établissements incontournables).  Bref, à l'époque, je ne m'étais jamais guère aventuré aussi loin à l'Est, à Anjou, ou aussi creux sur Pie-IX, à Montréal-Nord, et il était donc normal que je n'aie aucune idée de ce qu'était Dic Ann's.  Car si la rue St-Laurent est la frontière entre l'Ouest et l'Est de la ville, le boulevard Pie-IX est celle entre l'Est pis l'Est pour vrai.


Première expérience


Ma première expérience de Dic Ann's (et la plupart des subséquentes) eut lieu pendant mon heure de lunch au travail.  Take out.  Un de mes collègues, ébahi de mon ignorance, entrepris de m'initier à ce qui est vite devenu une véritable drogue...

Au départ, je ne saisissais pas trop le concept de ce hamburger mouillé, à la mince galette de viande et au pain imbibé de sauce liquide, salaud au touché et au look bâtard.  Ce ne fut donc pas un coup de foudre.  Toutefois, petit à petit, de dîner en dîner, mon intérêt se développa pour ce sandwich hétéroclite.  Je passai du p'tit cheese, au Hi-Boy, du Hi-Boy fromage au Hi-Boy fromage double-sauce, pour finalement revenir au Hi-Boy fromage.  J'ai frôlé la dépendance, mais je me suis maintenant repris en main  En délaissant le "pour emporter" et en me limitant à des visites plus ou moins ponctuelles, pour un maximum de goût,  je n'ai plus la crainte de "brûler" mes papilles, d'atteindre un certain point de non-retour.  Qualifions ma consommation actuelle de récréative.


La commande


Lors de mes visites, je commande pratiquement toujours la même chose : deux Hi-Boy fromage all-dressed, une frite et une liqueur.  Plus souvent qu'autrement, je retourne à la caisse pour un troisième Hi-Boy après avoir terminé les deux premiers.  C'est quand même mieux comme dessert que la sempiternelle pouding aux riz servi chez le Deli moyen!  Pour les néophytes, le cheese all dressed contient relish, moutarde, oignons et sauce comme condiments.  Si l'on désire rajouter laitue et tomate, faut opter pour le Hi-Boy.  Mes racines maraîchères (et l'amour de la fraîcheur des légumes qui vient avec) font toujours pencher la balance pour cette dernière mouture du sandwich.

Cependant, pour l'occasion, et aussi parce que je me serais senti imposteur de la passer sous silence, j'ai décidé de substituer la classique frite pour une poutine.  Car la poutine du Dic Ann's n'a rien en commun avec ses cousines plus ou moins consanguines : celle-ci est servi avec du fromage râpé et la fameuse sauce de M. Potenza.  Comme je le mentionnais un peu plus haut, la sauce qui fait la renommée du restaurant est plutôt "claire". Elle se ramasse donc dans le fond du contenant, mouillant les frites davantage qu'elle ne les enrobe.  Je saupoudre toujours de sel, question de relever légèrement les saveurs, ce que je n'oserais jamais faire avec une "véritable" poutine.  Dans les burgers, la sauce rehausse le goût de viande, comme un bon bouillon, s'imbibant dans les pores du pain écrasé et de la boulette compacte.  Mais qui tripe sur les frites humides?  Deux avantages par contre pour cette version de la pout': la quantité de sauce subsistant après l'absorption des patates, où l'o
n peut dipper son burger à souhait, et les motons du mozzarella qui s'est contracté sous la chaleur des éléments.  

Retenez par contre que les frites, à leur état naturel, sont d'un charme désarmant.  Minces, toujours dorées à point, sans aucun excédant d'huile, elles sont succulentes et souvent dégustées par les habitués avec un peu de sel ou un soupçon de vinaigre.  À moins de vouloir sortir de la routine, contentez-vous donc de la patate plutôt de la poutine.






Le rituel


Le Dic Ann's est en quelque sorte un culte où chacun a son propre rituel.  La manipulation du burger de la chaîne requiert une certaine délicatesse si l'on désire éviter de se salir.  À côté de la caisse trône d'ailleurs un contenant dans lequel repose des bâtons de popsicle qui servent de levier pour décoller son sandwich.  On s'assure ainsi de ne pas plonger ses doigts directement dans la sauce, doigts qui, invariablement, finiront par être imprégnés de cette odeur pendant quelques heures. et ce, malgré un lavage de mains répété.  La beauté de la chose, c'est qu'il est possible de se remémorer ces doux moments de délectation en humant ses mains, comme sur le chemin du retour d'une torride nuit de cul après une trop longue période d'abstinence.

Pour ma part, j'aime bien l'utilisation de la fourchette.  Quoiqu'optionnelle, elle est à mon avis très utile pour écumer le reste de sauce déposée dans le fond de l'assiette à burger.  On a qu'à y piquer bout de pain, morceau de boulette et/ou quelques frites pour récupérer le dépôt, et ainsi maximiser son Dic Ann's.  Certains clients plus zélés, voir obsédés, pousseraient même l'audace jusqu'à boire leur restant de sauce, tels des prédicateurs du grill qui caleraient leur vin de messe.





Le format


Comme dans toute bonne doctrine, par souci d'efficacité, Dic Ann's ne se casse pas le bicycle avec la fantaisie.  Ce dogmatisme est très bien reflété dans la variété de formats offerts pour les différents produits disponibles : UN SEUL.  Vous avez bien lu; pas de grosse frite ni de bébé poutine.  Leur site web parle de ce concept comme d'une façon d'assurer un maximum de rapidité dans le service, mais il est facile de flairer une mesure d'acheter des contenants à gros volumes, à meilleurs prix, pour toute la chaîne.  Que le tout ne se traduise pas par une économie pour le client une fois le snack rendu au comptoir, on s'en fout un peu.  On va au Dic Ann's pour le goût, coûte que coûte.

Dic Ann's design


Malgré ses airs de casse-croûte sans prétention, l'image des franchises est étudiée.  Les teintes de beiges, jaunes, orangées et brunes rappellent tour à tour boulettes, sauce, frites ou tous ces élément dans le même cabaret.  Dic Ann's s'inscrit ici dans un design old fashionned, indémodable, qui sied extrêmement bien à ce type de commerce.  La préservation de la superbe enseigne extérieure de la première succursale sur Pie-IX* (celle visitée pour l'occasion) traduit un désir de continuité et son ancrage dans la grande tradition du snack-bar québécois.






Bon à savoir


Avant de se déplacer, sachez que la succursale de Montréal-Nord ne compte qu'une dizaine de place assises, sur des tabourets, au comptoir.  Soyez un tantinet patient; à la vitesse que les commandes sont servies, une place se libérera rapidement.  Vous pourrez toutefois devoir attendre davantage si vous désirez absolument vous asseoir à côté de la personne qui vous accompagne, le cas échéant.

Comme son passé de drive-in est encore bien vivant, la meilleure façon de s'y rendre reste en voiture.  D'ailleurs, plusieurs clients réguliers commandent "pour emporter" et mangent directement dans leur véhicule.  Il semblerait que l'expérience serait décuplée par un beau dimanche après-midi d'été, debout, 
plombant sous le soleil à l'extérieur de l'automobile, le repas reposant sur le capot, chauffé par le moteur éteint encore brûlant...





Pour plus d'informations : http://www.dicanns.ca.

*Tel que mentionné sur le site web de la chaîne, la première franchise était située au coin des rues Papineau et Crémazie.  Deux ans plus tard, elle déménagea sur le boulevard Pie-IX.  Merci à Patrick Robitaille, l'initiateur du 2e paragraphe, d'avoir rectifié le tir.

3 commentaires:

  1. Est-ce qu'ils font encore le Hamborgini (avec du pepperoni) ? Le burger était subtilement bon...

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  2. Je ne me souviens pas l'avoir testé et je ne me souviens pas l'avoir vu sur le menu non plus. C'est un automatisme : je prends pratiquement toujours la même affaire à chaque visite.

    Qu'à cela ne tienne, j'ai décidé d'aller au fond des choses et j'ai écris à l'adresse indiquée sur leur site web pour m'informer! Je te reviens avec une réponse dès que j'en ai une. Je te suggère d'ailleurs d'aller visiter la page, toi, grand amateur du web; c'est... euh... disons... particulier.

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  3. Calvaire, Dic Ann's répond aussi vite qu'il sert ses burgers! Voici ce qu'on m'a écrit :

    "Oui il est encore disponible. Devrais être disponible à tout les succursale."

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